Son ouvrage Un Siècle de culture Fouad Ephrem Boustany 1904-1994 retrace la vie et l’œuvre de son père, Fouad Boustany. C’est avec émotion et admiration que l’on découvre, à travers l’écriture de Hareth Boustany, le parcours d’une personne exceptionnelle, mais aussi trois textes fondateurs exclusifs sur le Liban, l’éducation et la culture.
A travers Un Siècle de culture Fouad Ephrem Boustany 1904-1994, vous rendez un hommage à votre père certes, mais également à un grand homme qui a marqué son époque. La tâche n’a pas dû être facile…
J’ai décidé d’écrire cet ouvrage à l’occasion du 20e anniversaire de sa disparition. J’ai compulsé toutes ses archives. J’ai fait aussi appel à ma mémoire, parce que je suis, de ses enfants, celui qui a le plus vécu avec lui, en étant le plus proche de son parcours littéraire et historique. La préface a été faite par Me Emile Bejjani qui était son élève et avait beaucoup d’admiration pour lui.
Vous avez choisi de faire un livre facile à lire puisqu’il reprend le parcours d’une vie. En revanche, la préface vous l’avez voulue scientifique. Pourquoi?
Pour qu’elle résume ses théories sur les sciences historiques. Il me répétait que «l’histoire ne doit pas s’arrêter aux frontières modernes factices». Il considérait que l’histoire des peuples et leur interaction étaient présentes et déterminantes dans leur développement. Il me disait: «Il ne faut pas utiliser le terme ‘‘civilisations’’ pour parler des caractéristiques des peuples. Se civiliser veut dire se sédentariser et ce que le peuple a fait de cette sédentarisation c’est la culture.
Quel a été l’impact de votre père sur votre propre parcours?
A l’origine, c’était mon choix d’être historien et archéologue. Une fois mon bac décroché, il me propose de m’assurer une bourse pour aller étudier à Paris. Je refuse et insiste pour aller à l’Université libanaise dont il était le fondateur et le recteur de 1953 à 1970. Sa réponse: «Je n’en attendais pas moins de toi». J’appréciais sa culture immense et sa mémoire phénoménale. Il aimait les classiques anglais. Il m’a appris, entre autres, que «traductore traditore», ce qui signifie que le traducteur est toujours un traître, même dans le meilleur des cas. La seule traduction qu’il considérait ‘‘fidèle’’ était celle de Saïd Akl qui a traduit le poème Les cèdres de Charles Corm en arabe… Fouad Ephrem Boustany était un père extraordinaire, parce qu’il était sûr de sa mission pédagogique et familiale. Il a toujours supposé qu’il n’avait pas besoin de faire montre de son autorité. Il ne donnait pas d’ordres, mais des conseils. Nous avons mené une vie amicale avec lui parce qu’il avait de l’humour qu’il nous a transmis d’ailleurs.
Votre dernier ouvrage…
A mes heures perdues, je prenais des notes sur ce qui concerne l’histoire du Liban. J’ai élaboré et simplifié toutes ces époques en mettant la lumière sur les étapes les plus importantes. Tout ce que je dis est référencé par des noms illustres qui ne sont pas orientaux. J’ai fait ce travail pointilleux pour redorer le blason des Libanais qui, actuellement, sont dans une misère totale sur tous les plans. Mais je reste optimiste, mon père me disait que «le Liban a 6 000 ans d’âge et qu’il restera le Liban malgré les phases délicates qu’il traverse». Et je partage ce point de vue.
Propos recueillis par Danièle Gergès
Bio en bref
Docteur ès Histoire et Archéologie orientale de la Sorbonne, Hareth Boustany est professeur d’archéologie phénicienne et d’histoire ancienne des civilisations à l’Université libanaise, à l’Université Saint-Esprit de Kaslik et à l’Université Saint-Joseph. Il est ancien conservateur en chef de musées nationaux et membre du Conseil exécutif de la Fondation nationale du patrimoine. Publications: La représentation de l’individu dans l’art phénicien; Carthage, fille de Tyr; Liban, guide historique; Dialogue avec le temps; Gibran de chair et d’esprit… Il est le coauteur de Histoire du Liban; Les Cananéens phéniciens, peuple et terres; Histoire du peuple libanais du Ier au XXe siècle; L’Europe et le Liban du XIIe au XIXe siècle; Le Liban aux sources de l’humanisme; Le château des mélèzes.